2008 : L’accord secret entre le président Sambi et le colonel Azali
Le 8 juillet 2008, j’écrivais dans mon ancien blog « MiB*Extras et Caetera » un billet intitulé « De la couardise en politique ». Je parlais de l’opération « mains propres » menée par le Ministre de la Justice du président Sambi depuis le début de l’année 2007 et qui s’était soldée par un échec cinglant en 2008, principalement parce qu’elle n’avait comme objectif que de museler l’opposition et flatter les instincts les plus primaires. Mal préparée, bâclée, l’opération avait abouti à la libération de tous les collaborateurs du colonel Azali dont le président Sambi voulait se débarrasser.
J’écrivais dans ce billet de 2008 : »
Tous les condamnés firent appel. Ils attendirent près de six mois avant de se retrouver devant un nouveau juge. Celui-ci ne pouvait que dire l’évidence : les dossiers avaient été bâclés ! Tout le monde retrouve ou retrouvera dans quelques jours la liberté. Aux uns on a fait bénéficier un « vice de procédure », aux autres on a fait en sorte que le nombre de mois passés en prison correspondent à leurs nouvelles condamnations.
Et l’opération « mains propres » dans tout cela ? Il y a belle lurette qu’elle est terminée. Elle risque même de se retourner contre ses propres protagonistes à la fin du régime Sambi, puisque même l’avocate de l’Etat dans cette affaire a révélé à la presse, en compagnie du Vice Président, lorsqu’elle était en dispute avec le Ministre Mourad Saïd Ibrahim, que les pratiques pour lesquelles ils ont condamné certains hommes politiques étaient toujours en vigueur (…)
Ce qui m’a le plus frappé dans cette affaire, en plus de la fuite de certains responsables politiques, c’est le silence du principal responsable. Il semble que quelqu’un (le ministre ? le président ? tous deux s’en défendraient et laisseraient un lampiste assumer leurs décisions) ait décidé qu’il ne fallait jamais mettre en cause l’ancien président, le colonel Azali Assoumani. Et celui-ci, virtuellement président du parti Convention Républicaine des Comores (CRC) dont les deux secrétaires généraux se trouvaient en prison, n’a eu rien à dire. Ni aux juges, ni aux médias. Aucune manifestation de ce parti pour dénoncer les irrégularités que chacun pouvait noter. Il était invité, comme tout notable, aux places d’honneurs dans les diverses manifestations organisées par le nouveau pouvoir. Il était neutre. Ni pour ni contre ses anciens collaborateurs. Il ne fallait pas se faire remarquer. »
Jusqu’à aujourd’hui, le silence du colonel Azali Assoumani était resté un mystère pour bon nombre d’observateurs de la vie politique comorienne. Et l’on ne pouvait l’expliquer qu’en pensant à l’attitude que celui-ci avait eu face au coup d’État de 1995, en allant se réfugier dans l’Ambassade du pays où étaient originaires les mercenaires qui attaquaient son pays, en laissant sur le terrain ses principaux lieutenants dont certains ont été grièvement blessés.
Un des plus fervents partisans du colonel Azali avait tenté une explication qui n’avait convaincu personne. Il expliquait il y a quelques mois sur facebook que le silence du colonel était une stratégie politique, en quelque sorte se taire pour mieux revenir en politique.
Et voilà qu’au lendemain du Congrès de la CRC, au cours duquel le président Sambi fut malmené par le colonel Azali, un partisan du Parti Juwa dans la région du Washili, un certain Ahmed Mohamed publie une « Lettre ouverte au colonel putschiste Azali Assoumani ».
L’énigme est enfin résolu. On sait pourquoi le colonel Azali est resté silencieux pendant tout le régime du président Sambi et pourquoi il n’a jamais eu un seul mot de soutien pour ses collaborateurs qui se sont parfois sacrifiés en ne prononçant jamais son nom devant les juges. En effet, Ahmed Mohamed explique :
» Je me rappellerais toujours de ce dimanche d’avril 2007, où vous vous êtes rendu personnellement à Beit-Salam, rencontrer discrètement le président Sambi pour négocier votre sort. A bord d’une Peugeot 306 d’un de vos collaborateurs proches, vous avez débarqué au bureau de Sambi, les larmes aux yeux, tremblant comme un collégien puni par son professeur le premier jour de sa rentrée scolaire en classe de 6ème. Vous avez signé le pacte de la honte vous interdisant de critiquer Sambi tout au long de son mandat et pire, vous avez lâché vos collaborateurs auxquels vous ont servi pendant votre mandat, en fermant les yeux, et les laisser moisir en prison. Savez-vous mon colonel ce que Sambi a pensé lorsqu’il vous a vu débarquer dans son bureau ? Il a pensé que vous êtes venu pour négocier la libération des vôtres et non négocier seulement votre protection. »
Ainsi, on comprend que par un pacte avec son adversaire politique, il a pu sauver sa peau, tout en sacrifiant ses amis et collaborateurs. Ce récit est en tout point à l’image du colonel Azali tel que nous le connaissons. Il confirme l’homme.
Mahmoud Ibrahime